En octobre 2019, la cour d’appel de Barcelone a renvoyé une affaire (C-783/19) devant la CJUE, en ce qui concerne l’interprétation de l’article 103 du règlement (UE) 1308/2013. L’affaire concerne l’utilisation de « Champanillo » comme nom commercial pour une chaine de restaurants. Alors que l’Office espagnol des brevets et des marques (OEPM) avait refusé l’enregistrement de « Champanillo » en tant que marque pour des services de restauration (classe 43), sur la base, entre autres, de l’évocation de l’AOP « Champagne » et du risque pour les consommateurs d’associer ce nom à l’appellation, le nom de l’entreprise est toujours utilisé en Espagne. Par ailleurs, le logo du nom commercial semble renforcer l’association avec l’AOP. En conséquence, le Comité Champagne avait introduit un recours devant le tribunal de Barcelone, sur la base de l’évocation de l’AOP et de l’avantage indu tiré de la réputation de l’AOP. Dans son arrêt du 13 juillet 2018, le tribunal de Barcelone avait rejeté ces instances.
Le Comité Champagne a alors fait appel devant la Cour d’Appel de Barcelone.
La Cour a soumis à la CJUE les questions préjudicielles suivants, qui concernent notamment l’étendue et les limites de la protection conférée aux AOP dans la législation de l’UE:
- Le champ de protection d’une appellation d’origine permet-il de la protéger non seulement vis-à-vis de produits similaires, mais également vis-à-vis de services qui pourraient être liés à la distribution directe ou indirecte de ces produits ?
- Le risque d’atteinte constituée par l’évocation exige-t-il de réaliser principalement une analyse de la dénomination utilisée pour déterminer l’incidence de celle-ci sur le consommateur moyen, ou, pour analyser ce risque d’atteinte constituée par l’évocation, faut-il préalablement déterminer qu’il s’agit des mêmes produits, de produits similaires ou de produits complexes qui contiennent, parmi leurs composants, un produit protégé par une appellation d’origine ?
- Le risque d’atteinte constituée par l’évocation doit-il être déterminé au moyen de critères objectifs lorsqu’il existe une identité ou une forte similitude des dénominations, ou doit-il être mesuré en tenant compte des produits et services évocateurs et évoqués pour conclure que le risque d’évocation est faible ou dénué de pertinence ?
- La protection prévue par l’Article 103 du règlement (UE) n° 1308/2013 dans les cas où il existe un risque d’évocation ou de parasitisme est-elle une protection spécifique, propre aux particularités de ces produits, ou la protection doit-elle être nécessairement liée aux dispositions relatives à la concurrence déloyale ?
Suite à une jurisprudence consolidée de la CJUE , cette affaire est l’occasion de préciser davantage, et de consolider, le concept d’évocation dans l’UE. En particulier:
- En ce qui concerne la question 1, nous pensons que la Cour devrait donner une réponse affirmative. En effet, l’article 103 du règlement (UE) n° 1308/2013, paragraphe 2), a), ii) et b), fait référence à toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une AOP, tant que cette utilisation profite de la réputation de l’AOP et toute évocation de l’AOP. Le même article, paragraphe 2) a) ii), contrairement au paragraphe 2) a) i) précédent, ne limite pas son étendue aux produits et services, mais il a une portée plus générale. Il s’agit de « protéger les appellations d’origine et les indications géographiques contre toute utilisation visant à profiter de la réputation associée aux produits répondant aux exigences correspondantes » au considérant 97 du règlement.
- Pour ce qui est de la question 2, pour déterminer l’existence d’une évocation, nous pensons que l’analyse du nom en cause doit être effectuée en tenant compte de la notoriété de l’AOP.
- Quant au point trois , la juridiction pose une question très similaire à la précédente, afin d’examiner plus en profondeur l’importance du degré de proximité entre la dénomination en cause et l’AOP. Dans le cas en question, l’appellation « Champagne » est presque entièrement incluse dans la dénomination « Champanillo ». À cet égard, « selon une jurisprudence consolidée, le concept d’évocation couvre, entre autre, la situation dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, de sorte que le consommateur, en présence du nom dudit produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de cette dénomination » (C-393/16 CIVC vs ALDI – GALANA NV, 20/12/2017, paragraphe 58; ainsi que C-75/15, Viiniverla, 21/01/2016, paragraphe 21).