Pour la première fois, la grande chambre de recours de l’EUIPO a tenu une audience orale qui concernait une indication de provenance géographique(le nom d’un pays) « Islande » (sur cette affaire, voir un article d’oriGIn).
Cela montre à quel point les IG, y compris celles potentielles, et leur parent « pauvre » (les indications de provenance) sont devenues des sujets sensibles. Et cela à juste titre, parce que les juristes perçoivent consciemment ou inconsciemment que la loyauté des transactions commerciales est affectée par l’usage des signes géographiques.
La loyauté dans les transactions commerciales est affectée par toute pratique aboutissant au « passing-off » d’une réputation « géographique » à des biens qui n’ont rien à voir avec la qualité « géographique » faussement évoquée, qu’une indication de provenance soit ou non (déjà) reconnue comme appellation d’origine au niveau national ou international ou non.
L’utilisation de terme “Alicante” pour un nougat français a été jugé déloyale par la Cour de justice de l’UE avant que le système européen des IG n’ait été promulgué, dans l’affaire C-3/91 [1]: il convient de lire, à ce sujet, l’avis de l’avocat général, le juriste allemand Carl Otto Lenz, le fils d’Otto Lenz, ancien chef de la chancellerie allemande [2].
La réalité est cependant que des entreprises utilisent à des « subterfuges » pour attribuer une certaine réputation à des produits qui ne l’ont pas , comme le montre le cas en question où « lCELAND » a ainsi été enregistrée en tant que marque par une entité galloise, pour les services alimentaires et de vente au détail.
Dans cette affaire, l’EUIPO a posé au titulaire de la marque la bonne question :
« Pouvez-vous s’il vous plaît expliquer pourquoi vous avez choisi d’utiliser et d’enregistrer le mot ‘ICELAND’ en tant que marque pour les produits et services concernés ? » (Pour des raisons que vous pouvez facilement imaginer, il n’y a pas eu de réponse à cette question par les meilleurs avocats qui assistaient le titulaire de la marque « ICELAND »).
La chambre de recours a finalement confirmé la décision correcte de la division d’annulation selon laquelle la marque « ICELAND » est nulle et non avenue, bien qu’à mon avis pour la mauvaise raison [3].
La raison invoquée est que « ICELAND » est « descriptif », dépourvu de caractère distinctif et ne peut donc pas fonctionner comme une marque, ce qui implique l’identification de l’origine d’une certaine entreprise.
Cette raison n’est cependant pas appropriée pour une entreprise galloise. Elle pourrait l’être le cas échéant pour une entreprise islandaise. Une entreprise galloise ne peut pas utiliser « ICELAND » comme marque parce que c’est déloyal, et non parce que « ICELAND » n’est pas apte à distinguer les biens ou les services d’une entreprise galloise.
Les considérants de la Convention de Paris de 1883 pour la protection de la propriété industrielle mentionnent que l’ensemble du système de la propriété intellectuelle a un seul but : la protection contre les comportements déloyaux dans les transactions commerciales, mais nous oublions toujours cette vérité fondamentale.
[1] Voir: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:61991CC0003&qid=1675777947120&from=FR)
[2] Voir: https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:61991CC0003&qid=1675777947120&from=FR
[3] Voir: 20221215_R1613_2019-G.pdf